Bonne lecture
Tous les enfants
entrés hors regroupement familial
ont droit aux prestations familiales
Depuis 1986, les enfants entrés en dehors de la procédure du regroupement familial
sont exclus du bénéfice des prestations familiales et des aides au logement (1)(2). Des
textes, modifiés en 2006, exigent en effet que les allocataires étrangers – et eux
seuls – produisent, pour leurs enfants nés hors de France, le certificat médical de
l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii, ex-Anaem, anciennement
Omi) remis à l’occasion d’un regroupement familial. La réforme de 2006 a supprimé
cette exigence dans certaines situations limitées (enfants membres de famille
d’un réfugié, d’un apatride, d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire, d’un
titulaire de la carte de séjour temporaire « scientifique », de la carte « vie privée et
familiale » en qualité de conjoint de scientifique, et, sous certaines conditions, d’un
titulaire de la carte « vie privée et familiale » délivrée sur la base des liens privés et
familiaux en France).
Comme depuis 1986 le regroupement familial a été rendu chaque fois plus difficile
au gré des réformes successives de la législation sur les étrangers, de nombreux
enfants sont venus vivre avec leurs parents en dehors de cette procédure. Ils se
trouvent par conséquent privés de ces prestations, en violation du principe d’égalité
et de nombreux textes internationaux ratifiés par la France.
La Cour de cassation a rendu plusieurs décisions donnant une tout autre lecture du
droit, lecture conforme aux textes internationaux et notamment à la Convention
européenne des droits de l’homme et la Convention internationale des droits de
l’enfant. Or, les caisses d’allocations familiales (Caf) et les caisses de la Mutualité
sociale agricole (MSA) ignorent ces décisions et persistent, pour les enfants nés
hors de France à charge d’un allocataire étranger, à exiger le certificat médical remis
à l’occasion du regroupement familial. Cette exigence est abusive et le restera, tant
que de nombreux enfants étrangers seront exclus des prestations.
Cette publication a pour objectif de dresser un état des lieux des textes applicables
et de proposer un argumentaire et des modèles de recours en vue de l’obtention des
prestations familiales pour tous les enfants d’étrangers, en toute égalité avec les
enfants de ressortissants français ou européens, quelle que soit la manière dont ils
sont entrés sur le territoire français.
(1) Voir la liste des prestations visées ainsi que leurs principales conditions d’attribution en annexe 8, p. 46.
(2) Pour les aides au logement (aide personnalisée au logement [APL] ou allocation de logement familiale), la
prise en compte des enfants intervient à la fois dans la décision d’attribution (puisque le plafond de revenu audelà
duquel l’aide n’est plus attribuée augmente avec le nombre d’enfants considérés à charge) et dans le
montant de ces aides au logement (plus la taille du ménage pris en compte est importante, plus l’aide l’est
également).
page 2 Gisti – Tous les enfants entrés hors regroupement familial...
Contester les refus de prestations en vaut vraiment la peine pour les familles concernées
: depuis la publication de la 1re édition de cette note en 2005, des centaines
d’entre elles ont ainsi obtenu gain de cause. De plus, elles contribuent individuellement
à faire évoluer la loi pour la rendre plus favorable à tous. C’est en effet à la
suite de milliers de recours que les dispositions discriminatoires du code de la sécurité
sociale seront supprimées.
Le RMI et le RSA : également un droit
pour les enfants entrés hors regroupement familial
Le RMI
Pour l’attribution et le calcul du revenu minimum d’insertion (RMI), les Caf
exigent le certificat médical de l’Ofii (ex-Anaem) pour les enfants étrangers nés
hors de France à charge d’un allocataire étranger (le montant du RMI varie selon
que les enfants sont ou non pris en considération). Aux termes de la loi
(article L. 262-9 du code de l’action sociale et des familles – CASF) les enfants
nés à l’étranger doivent « séjourner dans des conditions régulières » (voir annexe 1,
p. 21). Ce sont de simples circulaires qui ont traduit cette condition par l’exigence
de la production du certificat médical remis à l’occasion du regroupement
familial, ce qui est une lecture contestable de la loi elle-même. Les modifications
introduites en 2006 pour les prestations familiales n’ont pas été étendues
au RMI.
Le RSA
Le revenu de solidarité active (RSA) remplacera le RMI et l’allocation de parent
isolé (API) à compter du 1er juin 2009. Les conditions posées à propos des enfants
des étrangers sont quelque peu différentes de celles posées pour le RMI.
Elles sont cette fois explicitement alignées sur celles applicables aux prestations
familiales en vertu du nouvel article L. 262-5, 2e alinéa du CASF (voir an-
Attention : cette note ne concerne pas les ressortissants communautaires
Les ressortissants communautaires (ressortissants d’un pays membre de l’Union
européenne ou de l’Espace économique européen) ne sont pas soumis aux
mêmes conditions que les autres étrangers. En particulier, aucune condition
relative à l’entrée et au séjour des enfants ne peut leur être opposée en matière
d’accès aux prestations familiales. Cette Note pratique ne les concerne pas.
Sur l’accès aux prestations sociales des ressortissants communautaires, voir la
Note pratique du Gisti « Le droit à la protection sociale des ressortissants communautaires
», octobre 2008 (téléchargeable à
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]... ont droit aux prestations familiales page 3
nexe 1, p. 22). Les conditions exigées des enfants nés à l’étranger sont donc,
s’agissant du RSA, absolument les mêmes que celles exigées pour l’attribution
des prestations familiales, et présentées dans cette note.
Comme pour le RMI, les conditions exigées pour l’accès au RSA conduisent à
exclure des enfants venus hors du regroupement familial. Elles constituent une
lecture tout aussi restrictive du droit, pas plus conforme aux textes internationaux
qu’elle ne l’est pour l’attribution des prestations familiales. Dans sa délibération
n° 2008-228 du 20 octobre 2008 (3) , la Haute Autorité de lutte contre
les discriminations et pour l’égalité (Halde) a confirmé cette analyse et demandé
que cette exigence discriminatoire soit supprimée. Comme pour les prestations
familiales (voir annexe 6, p. 33), à l’occasion d’un refus de RMI ou de RSA, il ne
faut donc pas hésiter à entamer des recours – et surtout à saisir la Halde – en se
fondant sur les moyens proposés dans cette note pratique.
Attention ! Il existe une différence entre le contentieux RMI et celui des prestations
familiales : c’est le contentieux d’aide sociale (commission départementale
d’aide sociale) qui est compétent pour connaître les litiges relatifs au RMI
et non le contentieux des prestations familiales (tribunal des affaires de sécurité
sociale, Tass). Le contentieux RSA est également différent (article L. 262-47 CASF).
Toute décision relative au RSA doit faire l’objet d’un recours administratif obligatoire
auprès du président du Conseil général. Selon des modalités définies
par décret, ce recours est soumis pour avis à la commission de recours amiable
(Cra) chargée du contentieux général de la sécurité sociale (en général la Cra de
la Caf). Le recours contentieux doit ensuite être introduit devant le tribunal administratif
compétent selon les règles de droit commun (dans les deux mois à
la suite de la notification de la décision).
(3)
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]... ont droit aux prestations familiales page 5
I. Ce que disent les textes de droit interne
La loi « Barzach » du 29 décembre 1986 soumettait pour la première fois le bénéfice
des prestations familiales à la justification de la régularité du séjour de l’allocataire
(l’adulte demandeur) et exigeait en outre la justification d’une entrée régulière des
enfants bénéficiaires. Cette note porte sur cette seconde condition opposée aux
enfants étrangers. Sur la condition de régularité de séjour de l’allocataire, voir l’encadré
page 7.
Jusqu’à la réforme de 2006, c’est un décret d’application qui exigeait pour tous les
enfants nés hors de France le certificat médical de l’Ofii (ex-Anaem, anciennement
Omi) délivré dans le cadre du regroupement familial (cette condition n’est évidemment
pas opposable aux enfants nés en France). En vertu de la loi de financement
de la sécurité sociale pour 2006 (loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005), la rédaction
de l’article L. 512-2 du code de la sécurité sociale (CSS) a été modifiée. À cette
occasion, le gouvernement n’a malheureusement pas souhaité tenir compte de la
jurisprudence de la Cour de cassation dégagée en 2004 (voir annexes 2 et 3, p. 24 et
25), ni rendre les règles de droit interne conformes aux textes internationaux. Certes,
l’article L. 512-2 du CSS nouveau étend le bénéfice des prestations familiales à d’autres
catégories de personnes, mais il le refuse explicitement à de nombreuses familles
étrangères dont les enfants sont venus en dehors du regroupement familial. Le Conseil
constitutionnel, saisi de cette nouvelle disposition, n’a, pour sa part, trouvé à
soulever qu’une petite réserve d’interprétation dans ces termes : « lorsqu’il sera procédé,
dans le cadre de la procédure de regroupement familial, à la régularisation de la
situation d’un enfant déjà entré en France, cet enfant devra ouvrir droit aux prestations
familiales » (DC n° 2005-528 du 15 décembre 2005). Il est toutefois très important de
noter que le Conseil constitutionnel ne se prononce pas sur la compatibilité d’une
loi interne au regard des textes internationaux. Et il n’en demeure pas moins que
l’inconventionnalité relevée par la Cour de cassation persiste avec la nouvelle réforme
entrée en vigueur le 27 février 2006.
A. Les textes législatifs
L’article L. 512-2 du CSS exonère de l’exigence de certificat médical de nouvelles
catégories. En plus des enfants nés en France et de ceux pouvant justifier du certificat
médical de l’Ofii (ex-Anaem) remis lors d’un regroupement familial, peuvent
bénéficier également des prestations familiales, y compris en cas d’entrée hors regroupement
familial :
– l’enfant d’un étranger reconnu « réfugié » (lui-même titulaire d’une carte de
résident, ou à défaut, d’un récépissé de demande de titre de séjour valant autorisation
de séjour d’une durée de trois mois renouvelable portant la mention « reconnu
réfugié », ou encore d’un récépissé de demande de titre de séjour d’une
durée de six mois renouvelable portant la mention « étranger admis au séjour au
titre de l’asile ») ;
– l’enfant d’un parent étranger titulaire de l’un des titres de séjour suivants :
- carte « vie privée et familiale » en qualité d’apatride (art. L. 313-11, 10° du Ceseda) ;
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- carte « vie privée et familiale » au titre de la protection subsidiaire (art. L. 313-
13 du Ceseda) ;
- carte de séjour temporaire mention « scientifique » (art. L. 313-8 du Ceseda) ;
- carte « vie privée et familiale » en qualité de conjoint de scientifique (art. L. 313-
11, 5° du Ceseda) ;
– l’enfant d’un parent étranger titulaire d’une carte de séjour « vie privée et familiale
» attribuée sur la base de ses liens privés et familiaux (art. L. 313-11, 7° du
Ceseda ou art. 6, 5° de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié)
mais à condition que l’enfant ne soit pas entré en France après que le parent a été
régularisé à ce titre.
(Voir l’article L. 512-1 du code de la sécurité sociale reproduit en annexe 1, p. 19.)
B. Les textes réglementaires
L’article D. 512-2 du même code (voir annexe 1, p. 19) modifié en vertu du décret
n° 2006-234 du 27 février 2006 précise que :
Les enfants étrangers, à charge d’un allocataire étranger, doivent justifier :
– soit d’un des titres de séjour mentionnés à l’article D. 512-1 CSS (une possibilité
qui existe en pratique seulement pour les enfants âgés d’au moins 16 ans et qui
souhaitent suivre une formation professionnelle ou exercer une activité salariée) ;
– soit d’être nés en France, ce qui peut être justifié par la production d’un extrait
d’acte de naissance sur le sol français ;
– soit d’être entrés dans le cadre du regroupement familial en produisant à ce titre
le certificat médical de l’Ofii (ex-Anaem), à l’exclusion de tout autre justificatif ;
– soit d’être l’enfant d’un étranger titulaire du statut de réfugié ou d’apatride ou
bénéficiaire de la protection subsidiaire. Doit alors être présenté le livret de famille
ou, à défaut, l’acte de naissance délivré par l’Office français de protection
des réfugiés et apatrides (Ofpra). À noter toutefois que l’intéressé peut présenter
d’autres éléments de preuve, ceux-ci n’étant pas exhaustifs. Lorsque l’enfant à
charge n’est pas l’enfant du réfugié, de l’apatride ou du bénéficiaire de la protection
subsidiaire, l’article D. 512-2 prévoit, en plus de l’acte de naissance remis par
l’Ofpra, la production du jugement confiant la tutelle de cet enfant à l’étranger
allocataire ;
– soit d’être l’enfant d’un étranger titulaire de la carte de séjour temporaire « scientifique
» ou de la carte « vie privée et familiale » en qualité de conjoint de scientifique.
Il est alors demandé la production du visa délivré par l’autorité consulaire et
comportant le nom de l’enfant ;
– soit d’être l’enfant d’un étranger titulaire de la carte de séjour « vie privée et
familiale » attribuée sur la base des liens privés et familiaux en France (art. L. 313-
11, 7° du Ceseda ou art. 6, 5° de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968
modifié). Le dossier devra comporter, dans cette hypothèse, une attestation délivrée
par la préfecture précisant que l’enfant est entré en France au plus tard en
même temps que l’un de ses parents admis au séjour au titre de la « vie privée et
familiale ». Cette attestation ne devrait pas être le seul moyen de preuve, d’autres
étant possibles (tampons sur les passeports, billets d’avion, témoignages, etc.).
... ont droit aux prestations familiales page 7
Remarque : au regard de la législation française, il n’existe aucune règle permettant
de qualifier d’« irrégulier » le séjour en France d’un jeune étranger mineur. Celui-ci est
donc présumé résider régulièrement sur le territoire quelles que soient les conditions
d’entrée en France. Les dispositions législatives et réglementaires relatives aux allocations
familiales confondent donc ces notions d’entrée et de séjour réguliers. Par conséquent,
à l’instar des observations formulées par le ministère public dans une affaire
jugée par la cour d’appel de Paris en date du 3 juillet 2008 (voir annexe 5, p. 31), « la
preuve d’une irrégularité du séjour des enfants ne pourrait en aucun cas être
rapportée et, partant, opposée. En somme, même une entrée irrégulière du mineur
sur le territoire serait, dans cette approche, sans influence sur la régularité
de son séjour, laquelle resterait par principe acquise ».
Les changements apportés en 2006 par la loi et le texte réglementaire n’ont pas
permis de régler le problème. Les Caf continuent à refuser les prestations familiales
à toutes les autres familles dont les enfants sont venus en dehors du regroupement
familial, parmi lesquels des étrangers vivant en France depuis longtemps, sous couvert
d’une carte de résident ou d’autres titres de séjour. Ces pratiques des Caf sont
contraires aux textes internationaux et à la jurisprudence de la Cour de cassation.
Actuellement, l’une des pratiques de certaines Caf consiste à demander aux familles
de se rapprocher de la préfecture pour solliciter une admission exceptionnelle au
séjour des enfants concernés. Cette démarche est inutile étant donné les refus systématiques
opposés par les préfectures. Il ne faut donc pas tenir compte de ces
demandes dilatoires des Caf.
La condition de régularité du séjour de l’allocataire
L’article L. 512-2 CSS exige la régularité du séjour de l’allocataire. Un texte réglementaire,
l’article D. 512-1 CSS, fixe la liste des titres de séjour dont l’adulte
demandeur doit être en possession pour que cette condition soit considérée
comme remplie (voir annexe 1, p. 19)
Attention : ne figure pas dans cette liste limitative la carte de séjour « compétences
et talents » (articles L. 315-1 à L. 315-9 du Ceseda). Les allocataires titulaires
de ce titre de séjour, qui sont en situation régulière en France, remplissent la
condition exigée par la loi et doivent par conséquent également en bénéficier.
S’ils se heurtent au refus de la Caf, ils doivent contester cette décision auprès de
la Commission de recours amiable (Cra) et éventuellement devant le tribunal
des affaires de sécurité sociale (Tass). L’intéressé pourra alors invoquer le fait
d’être en situation régulière (et donc le caractère restrictif d’un refus au regard
de l’article L. 512-2) et tous les autres arguments tirés des textes internationaux,
notamment la Convention internationale des droits de l’enfant (voir infra).
C’est également le cas des titulaires de la carte de séjour « CE – membre de
famille d’un citoyen de l’Union » (article L. 121-3 du Ceseda) pour lesquels, selon
la circulaire Cnaf n° 2008-24 du 18 juin 2008, cette carte ne figurant pas
dans la liste fixée à l’article D. 512-1 CSS, un « refus de droit » doit être notifié.
Ce refus est contraire non seulement à la loi (l’allocataire étant en situation
régulière) mais aussi au droit communautaire et aux textes internationaux.
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Peut-on contester la condition de régularité du séjour de l’allocataire ?
Autant les refus de prestations fondés sur l’entrée en dehors du regroupement
familial – qui font l’objet de cette note – doivent être systématiquement contestés,
autant les refus fondés sur l’absence de régularité de séjour de l’allocataire
apparaissent plus difficiles à contester. Ce n’est toutefois pas impossible dans
certaines situations. Il existe d’ailleurs une jurisprudence embryonnaire, fondée
sur les textes internationaux, qui a déjà permis à des personnes sans titre de
séjour d’avoir droit aux prestations familiales.
Dans son jugement du 13 mars 2000, le Tass de la Vienne (Époux Rahoui c/ Caf
Vienne) a accordé les prestations familiales à un allocataire dépourvu de titre de
séjour, sur le fondement de l’article 3-1 de la Convention internationale des droits
de l’enfant (Cide).
Dans une décision du 15 mai 2008, la cour d’appel de Paris se prononce sur un
refus fondé à la fois sur l’absence de certificat médical remis à l’occasion du
regroupement familial et sur l’absence de titre de séjour de l’allocataire pour
certaines périodes. S’agissant du refus fondé sur l’entrée de l’enfant hors du
regroupement familial, la cour a estimé que l’exigence du certificat médical contrevenait
aux dispositions combinées des articles 8 et 14 de la Convention européenne
des droits de l’homme ainsi que de l’article 1er du Protocole additionnel
n° 1 à ladite Convention. Ensuite, en se fondant sur l’article 3-1 de la Cide, le juge
accorde le bénéfice de l’allocation demandée pour des périodes au cours desquelles
l’allocataire ne résidait pas sous couvert d’un des titres de séjour prévus
par la réglementation : « la Caisse ajoute aux textes du code de la sécurité sociale
quant à la notion de régularité des titres de séjour ; que, s’il n’est pas contesté que
Madame M.T. ne bénéficiait pas d’un titre de séjour entre le 12 avril et le 23 mai
2006, pour autant il convient de faire application de l’article 3-1 de la Convention
internationale des droits de l’enfant aux termes duquel “l’intérêt de l’enfant doit être
une considération primordiale” ; qu’en l’espèce permettre à la jeune D.T. de ne pas
connaître de discontinuité dans les prestations auxquelles elle a droit constitue un
élément primordial à prendre en considération dans l’intérêt de cette enfant » (cour
d’appel de Paris, 18e chambre, section B, 15 mai 2008, RG n° 07/00412,
voir annexe 4, p. 28).
... ont droit aux prestations familiales page 9
II. Ce que contredisent
les exigences prévues par les textes
Les exigences prévues par les textes excluant des enfants nés à l’étranger contreviennent
à de nombreux textes internationaux et à la position de la Cour de cassation.
A. Le principe d’égalité proclamé
par les textes internationaux
Attention ! Les références des textes internationaux cités ci-dessous se trouvent
dans le cahier juridique « La protection sociale des étrangers par les textes internationaux
», Gisti, décembre 2008 et sur le site web du Gisti à partir de la rubrique
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]– la Convention européenne des droits de l’homme interdit toute discrimination en
raison de la nationalité en matière de droits sociaux en l’absence de toute justification
objective et raisonnable (CEDH, 16 décembre 1996, Gaygusuz, Recueil 1996-IV.
n° 39/1995/545/631) ; cette argumentation a été intégralement reprise par la Cour
de cassation (Soc. 14 janvier 1999, Bozkurt c/ CPAM de Saint-Étienne, pourvoi n° B 97-
12.487 ; Soc. 21 octobre 1999, Kunt, Droit social 1999, p. 1122).
– la Convention internationale des droits de l’enfant (Cide).
L’article 2 interdit toute discrimination qui serait notamment motivée par la situation
juridique des parents.
L’article 3-1 précise que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants (...), l’intérêt
supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». Le Conseil d’État
s’est expressément prononcé sur l’applicabilité directe de cet article et considère,
depuis l’arrêt Cinar du 22 septembre 1997, que « dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation,
l’autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l’intérêt
des enfants dans toutes les décisions les concernant ». Ainsi, il admet que l’article 3-1 de
la Cide institue un principe contraignant à l’égard des États signataires de ladite
convention (dont la France). Cette analyse avait été reprise, s’agissant des refus de
prestations familiales, par des juridictions de 1re instance (par exemple, un jugement
en date du 13 mars 2000 du Tass de la Vienne « Époux Rahoui »). Elle a été
aussi confirmée par la Cour de cassation selon laquelle (et contrairement à sa position
précédente) « en vertu de l’article 3-1 de la Convention de New York relative aux
droits de l’enfant, disposition qui est d’application directe devant la juridiction française,
ces circonstances doivent être appréciées en considération primordiale de l’intérêt supérieur
de l’enfant » (1re chambre civile, 14 juin 2005, pourvoi n° 04-16942. Voir également
13 juillet 2005, pourvoi n° 05-10519). S’agissant de refus de prestations familiales
pour des enfants venus hors regroupement familial, dans plusieurs de ses
décisions la cour d’appel de Paris s’est fondée sur l’article 3-1 de la Cide pour reconnaître
le droit aux prestations familiales (cour d’appel de Paris, 18e chambre, section
page 10 Gisti – Tous les enfants entrés hors regroupement familial...
B, 15 mai 2008, RG n° 07/00412, voir annexe 4, p. 28, cour d’appel de Paris,
18e chambre, section B, 3 juillet 2008, RG n° 20700171, voir annexe 5, p. 31).
En outre, l’article 26 reconnaît à l’enfant le droit de bénéficier de la sécurité sociale,
y compris les assurances sociales. Enfin, l’article 27 prévoit le droit pour tout enfant
de jouir d’un niveau de vie suffisant pour permettre son développement physique,
mental, spirituel, moral et social et ajoute que les États doivent aider les parents à
mettre en oeuvre ce droit en leur offrant, en cas de besoin, une assistance matérielle.
– la convention n° 118 de l’OIT pose, en son article 4-1, un principe d’égalité de
traitement en ce qui concerne le bénéfice des prestations de sécurité sociale.
– les accords conclus entre l’Union européenne (UE) et des États tiers, par exemple
l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et la Turquie, posent un principe de non-discrimination
à raison de la nationalité, en matière de prestations familiales notamment. Ce principe
est prévu aux articles suivants :
– Article 68 de l’accord euro-méditerranéen entre l’UE et l’Algérie du 22 avril 2002 ;
– Article 65 de l’accord euro-méditerranéen entre l’UE et le Maroc du 26 février
1996 ;
– Article 65 de l’accord euro-méditerranéen entre l’UE et la Tunisie du 17 juin 1995 ;
– Article 3 de l’accord entre l’UE et la Turquie (décision 3/80 du 19 septembre 1980
du Conseil d’association, JOCE C 110 du 25 avril 1983). Le tribunal des affaires de
sécurité sociale (Tass) de la Haute-Loire a ainsi reconnu le droit aux prestations
familiales en considérant que l’exigence de certificat médical remis à l’occasion
du regroupement familial était contraire au principe d’égalité entre ressortissants
turcs et communautaires prévu par l’article 3 de l’accord entre l’UE et la Turquie
(Tass Haute-Loire, Yuksel c/ Caf de la Haute-Loire, 1er mars 2001).
– les conventions bilatérales de sécurité sociale, pour la plupart, prévoient l’égalité
de traitement entre les nationaux des deux États parties, notamment en matière de
prestations familiales, et interdisent toute discrimination (par exemple, la convention
France/Côte d’Ivoire du 18 janvier 1985, article 4). Elles subordonnent par ailleurs
tout changement de législation nationale susceptible d’avoir des répercussions sur
le traitement des ressortissants du pays cocontractant à une information formelle
(par conséquent, aucun accord ni avis de la part de la France en matière de prestations
familiales n’ayant eu lieu, les dispositions de la loi « Barzach » de 1986 ne
sont donc pas opposables aux Ivoiriens).
B. La jurisprudence
1. La Cour de cassation
Après plusieurs décisions (définitives) de juridictions de première instance ou de
cours d’appel accordant des prestations familiales à des enfants entrés hors regroupement
familial, sur la base notamment de la Convention internationale des droits
de l’enfant ou des accords UE/État tiers, c’est à la Cour de cassation qu’il est revenu
de se prononcer sur cette question. C’est en Assemblée plénière qu’elle a rendu la
décision la plus significative, le 16 avril 2004 (voir décision reproduite en annexe 2,
p. 24), ouvrant la voie à des réclamations individuelles.
... ont droit aux prestations familiales page 11
Dans cette affaire, la Cour avait à traiter des droits à prestations familiales d’une
mère congolaise pour ses deux enfants nés au Congo et entrés en France hors regroupement
familial en 1991. Après s’être vu opposer un premier refus par la Caf, la
requérante réitère sa demande de prestations familiales une fois obtenu un regroupement
familial sur place. Les prestations lui sont alors accordées mais seulement
à compter de la date d’obtention du certificat Omi, en 1995. C’est pour obtenir les
prestations rétroactivement qu’un contentieux a été introduit.
Opérant un revirement de jurisprudence, le juge de cassation a affirmé que la mère
des enfants résidant régulièrement en France avec ses deux enfants depuis 1991, les
prestations étaient dues à compter de cette date.
Pour parvenir à cette conclusion, la Cour a estimé que les articles L. 512-1 et L. 512-2
du code de la sécurité sociale (issus de l’ancienne rédaction) ouvrent droit aux prestations
familiales pour des enfants à charge d’un allocataire étranger dès lors que ce
dernier remplit la condition de régularité du séjour, précisée à l’article D 512-1 du
même code, sans qu’aucune condition supplémentaire ne puisse, dans ce cas, être
opposée aux enfants. Elle relève que cette règle est conforme aux articles 8 et 14 de
la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Autrement dit, la
naissance en France, la production du certificat médical de l’Ofii (ex-Anaem) ou tout
autre document ne pouvait pas être opposable aux enfants au titre desquels les
prestations sont demandées dès lors que la condition de régularité du séjour de
l’allocataire posée par l’article L. 512-2 CSS est remplie.
En outre, la Cour précise que le droit aux prestations familiales est ouvert à la date
de dépôt de la demande auprès de la Caf compétente et non à compter de la production
des pièces attestant de la régularité de la situation des enfants sur le territoire
français. C’est la confirmation de l’arrêt du 4 avril 1996 (Cour de cassation, chambre
sociale, 4 avril 1996, n° 94-16086, Bulletin, IV, n° 142, p. 100) (4).
La Cour de cassation a réitéré cette position à plusieurs reprises, notamment dans
un arrêt du 16 novembre 2004 dont la formulation est particulièrement claire
(voir annexe 3-A, p. 25). À cette occasion, le juge de cassation estime que la cour
d’appel, en accordant le bénéfice des prestations familiales uniquement à partir de
la date d’obtention du certificat médical et non à la date à laquelle l’allocation avait
été demandée, alors que le demandeur se trouvait en situation régulière et résidant
avec des enfants à charge, « a privé sa décision de base légale au regard des textes
susvisés » (Cour de cassation, 2e chambre civile, 16 novembre 2004, n° 03-15543).
Cette jurisprudence a été renforcée par d’autres décisions. L’une en date du 14 septembre
2006 concernait une personne ayant accueilli chez elle ses neveux mineurs
de nationalité marocaine (2e Civ., 14 septembre 2006, n° 04-30.837). Dans une autre,
en date du 6 décembre 2006, la Cour revient sur la question de l’octroi de prestations
familiales pour des enfants entrés hors regroupement familial et affirme : « Le
fait de subordonner à la production d’un justificatif de la régularité du séjour des enfants
mineurs le bénéfice des prestations familiales porte une atteinte disproportionnée au principe
de non-discrimination et au droit à la protection de la vie familiale » et est par
conséquent contraire aux articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de
(4)
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l’homme (Cour de cassation, 2e chambre civile, 6 décembre 2006, n° 05-12666,
voir annexe 3-B, p. 26).
Cette jurisprudence, bien que dégagée pour des demandes de prestations effectuées
avant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions législatives et réglementaires
(27 février 2006), conserve toute sa valeur et sa pertinence. Dans la mesure
où la législation actuelle continue d’exiger des documents pour les enfants nés à
l’étranger et entrés hors regroupement familial en France, elle est en contradiction
flagrante avec les textes internationaux qui ont une valeur supérieure à la loi.
À la suite de ces modifications législatives et réglementaires, les tribunaux des affaires
de sécurité sociale ont demandé un avis à la Cour de cassation sur la conformité de
ces dispositions au regard des textes internationaux (Convention européenne des droits
de l’homme, Convention internationale des droits de l’enfant). La Cour a cependant
pris une décision de non-lieu car « cette demande suppose l’examen des conditions de
fait et de droit régissant l’allocation des prestations sollicitées en fonction des circonstances
particulières relatives au séjour tant des enfants que de l’allocataire sur le territoire national
; dès lors, la compatibilité d’une disposition de droit interne, dans une telle situation de
fait, avec la Convention EDH et avec la Convention internationale des droits de l’enfant
relève de l’examen préalable des juges de fond et, à ce titre, échappe à la procédure de
demande d’avis » (Cour de cassation, 8 octobre 2007, avis n° 0070011).
Au moment d’écrire cette note (printemps 2009), la Cour de cassation n’avait pas
eu encore à se prononcer à propos de refus de prestations demandées après l’entrée
en vigueur des nouvelles dispositions (27 février 2006). Cependant la plupart
des juridictions de 1re instance (tribunaux des affaires de sécurité sociale) et surtout
les cours d’appel qui ont eu à se prononcer ont confirmé la jurisprudence antérieure
et donné raison aux familles étrangères. On note en outre que les Caf et les représentants
de l’État, manifestement dans le cadre d’une stratégie juridique concertée,
ne font jamais appel devant la Cour de cassation des décisions de cour d’appel qui
leur sont pourtant toutes défavorables, de toute évidence de crainte que la Cour de
cassation ne confirme sa jurisprudence et ne condamne de nouveau les pratiques
des Caf et des pouvoirs publics.
2. Les cours d’appel
Certaines Cours d’appel ont déjà eu l’occasion de se prononcer sur la nouvelle loi en
vigueur et sa conformité aux textes internationaux. Elles ont confirmé la position
antérieure de la Cour de cassation (CA Paris, 3 juillet 2008, n° RG 20700171 ; CA
Limoges, 24 novembre 2008, RG 08/00785 et RG 08/00786 ; CA Limoges, 16 mars
2009, RG 08/01188 ; CA Amiens, 24 mars 2009, RG 08/02404).
Dans une décision du 3 juillet 2008, la cour d’appel de Paris estime ainsi que les
dispositions issues de la loi du 20 décembre 2005 et du décret du 27 février 2006
« conditionnent les allocations familiales à la justification de l’entrée en France des enfants
selon certaines modalités ; que pour les enfants n’entrant pas dans ces critères, il
convient de s’interroger sur la conventionnalité de la loi du 20 décembre 2005 », examen
qui doit être réalisé par le juge judiciaire, au cas par cas.
Elle en conclut que « la discrimination entre enfants remplissant les conditions de régularité
de l’entrée sur le territoire français dans le cadre du regroupement familial et ceux
... ont droit aux prestations familiales page 13
ne les remplissant pas est fondée sur des objectifs de maîtrise des flux migratoires et de
maîtrise des dépenses publiques alors que la nature même des prestations familiales est
de satisfaire l’intérêt supérieur de l’enfant ; que la restriction du droit aux prestations,
fondée sur un critère d’entrée sous certaines conditions des enfants étrangers sur le territoire
français, porte une atteinte disproportionnée au principe de non-discrimination et à
l’intérêt supérieur de l’enfant caractérisé par le droit à une vie familiale normale », est
donc contraire aux articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme
et à l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant (cour d’appel
de Paris, 18e chambre, section B, 3 juillet 2008, RG n° 20700171, voir annexe 5, p. 31).
C. Les délibérations de la Haute Autorité de lutte
contre les discriminations et pour l’égalité (Halde)
Selon l’article 4 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la
Halde « toute personne qui s’estime victime de discrimination peut saisir la haute
autorité » (5).
En vertu de l’article 13 du même texte, les juridictions pénales, civiles et administratives
peuvent inviter, d’office ou à la demande des parties, la Halde à formuler des
observations. Celle-ci peut également demander à être entendue, cas dans lequel
son audition est de droit.
Nombreuses sont les délibérations rendues par la Halde dans des affaires individuelles
concernant le refus de versement des prestations familiales pour des enfants
nés à l’étranger et entrés en France hors regroupement familial. Par délibération
n° 2008-179 du 1er septembre 2008 (voir annexe 6, p. 33), la Haute Autorité a en
outre adopté un rapport spécial sur cette question. Elle revient sur les positions
adoptées par la Cour de cassation (v. supra), la défenseure des enfants (v. infra), et
rappelle les diverses délibérations déjà adoptées et les interventions faites auprès
de tribunaux des affaires de sécurité sociale ou de cours d’appel. À ces occasions, la
Halde n’a pas manqué de relever le caractère discriminatoire des articles L. 512-2,
D. 512-1 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, dans leur version actuelle, qui sont
par conséquent contraires aux textes internationaux déjà cités. La Haute Autorité a
recommandé à nouveau au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports d’initier
les modifications législatives et réglementaires qui s’imposent.
D. La position de la défenseure des enfants
Ces différentes analyses de la Cour de cassation, de cours d’appel, et de la Halde
coïncident avec la position de la défenseure des enfants qui, dans son rapport au
Comité de suivi des droits de l’enfant des Nations unies (chargé notamment de
veiller au respect de la Cide) en mai 2004, et dans une proposition de réforme datée
du 9 juin 2004, adressée au ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale
(6), déplorait le refus par les autorités françaises d’accorder des prestations fa-
(5) Pour les conditions et modalités de saisie de la Halde, voir :
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien](6) Cet avis peut être consulté à l’adresse suivante :
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]page 14 Gisti – Tous les enfants entrés hors regroupement familial...
miliales à tous les enfants d’allocataires étrangers et demandait de supprimer la
condition de régularité du séjour de l’enfant en ne conservant que celle du séjour de
la personne qui en a la charge. Cet avis a été repris dans son rapport au Comité des
droits de l’enfant des Nations unies de décembre 2008 sur l’évaluation de l’application
de la Convention internationale des droits de l’enfant (7).
(7) Ce rapport peut être consulté à l’adresse suivante :
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]... ont droit aux prestations familiales page 15
III. Ce que l’on peut obtenir
A. Les droits aux prestations familiales
et aux aides au logement
Le contentieux reste la seule voie possible pour obtenir les prestations familiales et
les aides au logement pour des enfants entrés hors regroupement familial, tant que
les autorités administratives continueront d’avoir une lecture restrictive de la loi, en
violation des textes internationaux, et contraire à la lecture donnée par le juge judiciaire
(Cour de cassation, cours d’appel) et la Halde.
Pour faire valoir ces droits, la procédure est la suivante :
1°. Une demande initiale de prestations doit être adressée par écrit à la caisse d’allocations
familiales compétente (voir modèle annexe 7-A, p. 36), accompagnée du formulaire
prévu à cet effet (pour avoir accès aux différents formulaires voir
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Ces documents (courrier de demande et formulaire) doivent être envoyés par courrier
recommandé avec accusé de réception en joignant également les copies des
pièces justificatives requises.
2°. La réponse de la Caf peut être favorable ou défavorable.
En cas de refus explicite ou implicite (silence gardé par la caisse pendant deux
mois à compter de la réception de la demande), un recours amiable préalable et
obligatoire s’impose devant la Commission de recours amiable (Cra) : il doit être
déposé au plus tard dans les deux mois suivant la notification du refus ou dans les
deux mois suivant la décision implicite de rejet (voir modèle de recours devant la
Commission de recours amiable en annexe 7-B, p. 37).
Dès la 1re décision de refus de la Caf, il faut impérativement aussi saisir la Halde
(Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité). La Halde
considère ces refus comme discriminatoires (voir II-C, p. 13), ce qui devrait pouvoir
utilement aider la famille à faire valoir ses droits. Pour saisir la Halde, un
simple courrier suffit : 11, rue Saint Georges, 75009 Paris (voir
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]– Si le refus est réitéré par la Cra de manière explicite ou implicite (silence gardé par
la Cra pendant un mois), un recours contentieux doit être introduit auprès du tribunal
des affaires de sécurité sociale (Tass) au plus tard dans les deux mois suivant la
notification du refus de la Cra. À ce stade, la famille spoliée peut demander non
seulement le versement des prestations familiales pour l’avenir et de manière rétroactive
(demande principale), mais aussi toute une série de dommages et intérêts
et remboursements de frais (demandes accessoires) (voir modèle de recours devant
le tribunal des affaires de sécurité sociale en annexe 7-C, p. 39).
Attention ! En vertu de l’article 19 de la loi du 12 avril 2000, les organismes de
sécurité sociale (comme toute autre administration) doivent accuser réception
d’une demande, en mentionnant le délai de rejet implicite et les modalités du
recours contentieux ouvert à la suite du rejet implicite, comme les voies et les
page 16 Gisti – Tous les enfants entrés hors regroupement familial...
délais de recours contre les décisions de rejet explicites. À défaut, les délais ne
sont pas opposables et le Tass peut, le cas échéant, être saisi à tout moment.
Il est important d’attaquer la décision de la Cra dès le rejet implicite parce que cela
permet d’avancer dans la procédure contentieuse et par conséquent, de récupérer
au plus vite ses droits. Attendre le refus explicite de la Cra peut impliquer d’attendre
plusieurs mois.
Pour introduire une requête devant le Tass, il n’y a pas besoin d’avocat et la procédure
est simple. Toutefois, il est possible de bénéficier de l’aide juridictionnelle, qui
est soumise à une condition des ressources (8).
Dans ce cas, il peut être précisé dans le recours devant le Tass qu’un mémoire complémentaire
sera produit dès que le bureau d’aide juridictionnelle aura désigné un
avocat.
Si la décision du Tass est défavorable pour le requérant ou pour la Caf, un appel peut
être fait devant la cour d’appel compétente. À ce stade, l’assistance d’un avocat ou
d’une association spécialisée est fortement conseillée. Et si, à ce stade, ce n’est pas
déjà fait depuis le refus initial de la Caf, la Halde doit aussi être saisie. Le recours en
appel doit être fait dans les deux mois suivant la notification de la décision du Tass.
B. Les indemnités qu’on peut demander
en plus des prestations familiales
1. La réparation du préjudice causé par la violation d’un texte
international ou communautaire
Les arguments ne sont pas les mêmes selon que le texte violé relève du droit international
ou du droit communautaire :
a. Violation d’un accord international
Exemple : Convention 118 de l’OIT, Convention internationale des droits de l’enfant.
En persistant à refuser une prestation sur la base de motifs erronés, l’administration
commet une faute. Cette faute, quelle que soit sa gravité, occasionne un préjudice qui,
même faible, doit être réparé, tel que le reconnaît la jurisprudence de la Cour de cassation
(voir par exemple : Cass. Soc., 12 juillet 1995, Caisse de la mutualité sociale de
Charente-Maritime c/Colonna, Revue pratique de droit social, n° 612, avril 1996, p. 139).
En raison de l’absence de versement de la prestation, l’assuré a été exposé à des
difficultés financières : c’est ce préjudice qu’il convient de compenser.
La réparation demandée peut être fixée entre 1 000 et 1 500 €. Le montant est
d’autant plus élevé que l’assuré ne dispose d’aucune ressource propre (Tass de
Melun, 8 janvier 1999, Gundog c/Caf de Seine-et-Marne, inédit).
(8) pour toute information sur l’AJ et le formulaire de demande, voir :
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]... ont droit aux prestations familiales page 17
b. Violation d’un texte communautaire
Exemples : accord UE/Algérie, Maroc, Tunisie ou Turquie.
La simple constatation de la violation du droit communautaire est suffisante pour
caractériser la responsabilité de toute administration chargée de l’appliquer. La jurisprudence
ne retient pas la nécessité d’une faute en tant que telle. Ainsi, la responsabilité
de l’administration d’un État membre peut être engagée dès lors que les
dispositions figurant dans les textes européens invoqués permettent d’identifier de
véritables droits au profit des particuliers (CJCE, 19 novembre 1991, Francovich et
Bonifaci, aff. jointes 6/90 et 9/90, rec. p. I-5057 et surtout CJCE, 5 mars 1996, Brasserie
du Pêcheur et Factortame, aff. jointes C-46/93 et C-48/93, rec. p. I-1029).
Le montant des dommages et intérêts réclamés entre dans la même fourchette que
pour la violation du droit international.
2. La condamnation au paiement d’une amende civile
Par son refus persistant d’accorder une prestation, la caisse a contraint l’assuré à
introduire un contentieux. Dans la mesure où la violation du droit était délibérée,
l’attitude de la caisse peut être considérée comme dilatoire et abusive. Or, en vertu
de l’article 32-1 du nouveau code de procédure civile, « Celui qui agit en justice de
manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile de 15 € à 1 500 €,
sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés ».
Par conséquent, la caisse peut être condamnée au paiement d’une amende ; son
montant est d’autant plus élevé, voire maximum, que l’issue du contentieux était
certaine et la violation délibérée (montant maximum de 1 500 € : voir Tass de Grenoble,
27 mars 1997, Majeri c/CPAM, inédit ; CA de Grenoble, 27 novembre 1997 ;
Tass de Nanterre, 25 novembre 1997, inédits).
3. L’astreinte
Afin de contraindre la caisse à respecter et au plus tôt le contenu du jugement, il
peut être demandé au tribunal saisi de décider que soit versée une astreinte.
Son montant peut être fixé, par exemple, à 90 € par jour de retard, à compter d’un
délai de 30 jours suivant la notification du jugement (une durée minimale doit être
en effet laissée pour procéder à l’examen des conditions administratives).
4. Le remboursement des frais de justice
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’assuré, indûment et durablement privé
de prestations, les frais qu’il a engagés pour faire valoir ses droits. La Caf fautive
peut être condamnée, au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,
au versement de la somme de 600 €. Cette somme inclut non seulement les frais
d’avocat, mais aussi tous les autres frais engagés lors d’une instance (déplacements,
frais postaux, etc.).
Attention ! Ce n’est pas parce que l’assuré bénéficie de l’aide juridictionnelle
totale qu’il ne peut prétendre au versement d’une telle indemnité : les deux sont
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cumulables (Tass d’Évry, 25 mars 1999, Glodowski c/Caf de l’Essonne, indemnité
équivalente à 300 €).
5. L’exécution provisoire
L’exécution provisoire de la décision s’impose.
6. Le remboursement de l’aide juridictionnelle
La partie qui perd un litige doit rembourser au Trésor public les sommes que ce
dernier a dépensées au titre de l’aide juridictionnelle (article 43 de la loi relative à
l’aide juridictionnelle du 10 juillet 1991 modifié). Autrement dit, si l’allocataire a
bénéficié de l’aide juridictionnelle (totale ou partielle), la caisse doit en rembourser
le montant au Trésor public.
... ont droit aux prestations familiales page 19
Annexe 1 Textes législatifs et réglementaires
(prestations familiales, RMI, RSA)
A. Prestations familiales
Article L. 512-1 du code de la sécurité sociale
Toute personne française ou étrangère résidant en France, ayant à sa charge un ou
plusieurs enfants résidant en France, bénéficie pour ces enfants des prestations
familiales dans les conditions prévues par le présent livre sous réserve que ce ou ces
derniers ne soient pas bénéficiaires, à titre personnel, d’une ou plusieurs prestations
familiales, de l’allocation de logement sociale ou de l’aide personnalisée au
logement.